dimanche 29 juin 2014

Elégie pour une capote anglaise

C'est en 1935 qu'"Elégie" et "La capote anglaise", deux chansons typiquement estudiantines, sont imprimées pour la première fois dans les Fleurs du Mâle.

Dans ces textes, un Poil en "crapuleuse" (terme qui désignait alors la penne) et un Bleu sont victimes de leurs amours et subissent les assauts de la vérole et de la chaude pisse.

Dans les années 1930, les maladies vénériennes étaient chose courante. Aussi n'est-il pas surprenant que "La capote anglaise" ait - sous ses traits d'humour - des accents d'éducation prophylactique.

Sur les deux textes planent d'ailleurs l'ombre du médecin. L'un mentionne des injections. Et l'autre un injecteur. Cet instrument (encore très employé en 1930) n'appartient pas qu'à la sphère médicale. Il fait également partie du monde étudiant depuis les années 1850 : les Poils s'en sont servi pour verser à boire et effrayer les Bleus lors de leur baptême.

Un même air

Ses chansons jumelles ont été conçues à la même époque (ce qui semble assez cohérent sur le plan biologique) et ont été composées sur le même air, celui de "La Paimpolaise". La mélancolie et les accélérations - pour ne pas dire le roulis - de cette chanson de marin signée par Théodore Botrel en 1895 mettent en relief l'ironie des deux textes estudiantins.

En raison de leur rythme, les quatre premiers vers peuvent être entonnés par un seul chanteur et les suivants par l'ensemble de l'assemblée.

Le Poil en crapuleuse et son injecteur.
Illustration d'"Elégie", par Ram, dans Les Fleurs du Mâle de 1935.


Elégie (1935)
Air : « La Paimpolaise » (Théodore Botrel)

Quand une vérole astucieuse
Emporta la vieille Lison,
Son type, un Poil en crapuleuse,
Alla la voir à sa maison.
Et le pauvre gars
Murmurait tout bas :
Ma pauvre cocotte adorée,
Nous n’irons plus aux bois jolis
Cueillir, jusques à la soirée,
De tout petits myosotis.

En souvenir de son aimée,
Il découpa sous le nombril
Une boucle bien parfumée
Qu’il lia-z-au moyen d’un fil.
Et le pauvre gars
Murmurait tout bas :
Je vais me faire un scapulaire.
Ô ma chère, avec tes poils noirs,
Pour fêter ton anniversaire,
Tous les ans dans la paix du soir.


Puis, pour recueillir l’héritage,
Il emporta, les yeux en pleurs,
Dernier meuble d’un beau ménage,
Un mélancolique injecteur.
Et le pauvre gars,
Murmurait tout bas :
Tu m’as fait tant crédit, ma chère,
Pour le loyer de ton doux cœur,
Et de plus, cadeau de misère,
Tu me laisses ton injecteur.

Ell’ lui laissait une autre chose !
L’étudi-ant s’en aperçut,
Et devant cette apothéose,
Il en resta vagu’ment déçu.
Et le pauvre gars,
Murmurait tout bas :
Putain, au Diable ta charogne
Tu m’as foutu, ça je le crois,
Une vérole qui me rogne,
Et ne peut venir que de toi.



Lettrine de "La capote anglaise", par Jean Dratz, dans Les Fleurs du Mâle de 1948.

Illustration de "La capote anglaise", par Jean Dratz, dans Les Fleurs du Mâle de 1948.


La Capote anglaise (1935)
Air : « La Paimpolaise » (Théodore Botrel)


Dans la chambrett’ d’un’ petit’ femme
Un Bleu allait perdr’ sa vertu.
Sur le point d’assouvir sa flamme
De sa famille, il s’est souv’nu.
Quand il est parti
Son vieux pèr’ lui dit :
« Mon cher fils, chaqu’ fois que tu ba*ses,
C’ qui arrive, étant étudiant,
Munis-toi d’un’ capote anglaise,
Ca t’évit’ra des accidents. »

Suivant les conseils de son père,
Le Bleu mit un préservatif,
Mais la bell’ ne l’ laissant pas faire,
Les seins gonflés, les yeux lascifs,
Tendrement lui dit :
« N’en mets pas, chéri.
Ne mets pas de capote anglaise,
Dans mon c*n, fourr’ ton v*t tout nu,
C’est bien meilleur, lorsque l’on ba*se
De sentir couler le bon jus. »
 

Ecoutant c’ que lui dit la belle,
Le Bleu l’étendit sur le lit,
Et se couchant tout nu sur elle,
Dans son p’tit trou, il mit son v*t.
Le Bleu déchargeant
Dit en jou-iss*nt :
« Au diable, la capote anglaise
Et tous les conseils de papa,
C’est bien meilleur lorsque l’on ba*se
Enlacé dans d’aussi beaux bras. »

Parlé : Catastrophe !

Huit jours après cette aventure,
Le pauvre Bleu dans l’urinoir,
Sentit soudain une brûlure,
L’ malheureux pissait des rasoirs.
Contemplant son v*t,
Tristement, il dit :
« Que n’ai-j’ mis de capote anglaise,
Suivi les conseils de papa.
On n’a pas si bon quand on ba*se
Mais d’ chaud’ piss’, je n’en aurais pas. »


Parlé : Moralité :

Quand on emploie l’ permanganate
Ou qu’on se fich’ des injections,
On peut s’enflammer la prostate
Ou bien se fich’ un gros couillon.
Donc mes bons amis,
Ecoutez ceci :
Pour êtr’ sûr, chaqu’ fois que l’on ba*se
Qu’ huit jours après ça n’ coul’ra pas,
Mettez une capote anglaise.

Suivez les conseils de papa.

Illustration de "La capote anglaise", par Jean Dratz, dans les Fleurs du Mâle de 1960.