lundi 17 mars 2014

Jean Mardulyn, président de l'AG en 1941

Le 25 novembre 1941, l'ULB ferme ses portes suite à l'imposition de professeurs par l'Occupant allemand.

Immédiatement, l'Association générale des étudiants, présidée par Jean Mardulyn, se range fermement aux côtés des autorités académiques et encourage les étudiants à ne pas fréquenter les cours et à constituer des groupes d'étude. Cela vaut à Jean Mardulyn trois mois de détention à la Citadelle de Huy. Quatre autres dirigeants de l'AG sont également emprisonnés à Saint-Gilles ou à Huy.

A partir de décembre 1941, l'Association générale, l'Union des Anciens Etudiants et les autorités académiques mettent en place des cours et travaux pratiques clandestins, avec l'aide de la Ville de Bruxelles qui les présente comme des cours publics. Quatre cents étudiants en profitent à partir de mars 1942. Mais les autres formes de cours clandestins se maintiennent, parallèlement, pour compléter le programme. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, 25 novembre 1941, L'Université Libre de Bruxelles ferme ses portes, Archives de l'ULB, 1991)

En août 1942, un Office de Renseignements, placé sous la direction de l'Association générale, est établi au 108 rue Jourdan (au coin de la rue Berckmans). L'Office, ouvert tous les jours, informe sur les cours publics et le Jury central, recrute des réthoriciens et fournit des cartes d'attestation de fréquentation des cours (délivrées avec le cachet de la Ville), qui permettent d'éviter le service du travail obligatoire (STO) et donc le transfert en Allemagne. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, op.cit.)

Le 2 novembre 1942, la Gestapo perquisitionne entre autres l'Office de Renseignements. Des documents sont saisis et des scellés posés. L'Office entre dans la clandestinité et, à partir de janvier 1943, poursuit son rôle - mais en sourdine - dans les locaux de l'école moyenne de la rue Ernest Allard. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, op.cit.)

En février 1943, l'Administration militaire allemande impose le STO à tous les étudiants de première candidature (de mai à octobre). En avril, l'Occupant ordonne à la Ville de Bruxelles de cesser les cours publics. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, op.cit.)

En mai 1943, les Cercles facultaires et l'AG, passés dans la clandestinité mais toujours en liaison avec l'UAE, continuent à fournir des moyens pour échapper au travail obligatoire ou à la déportation en Allemagne : fausses cartes de travail délivrées par des entreprises, déclarations de "travailleurs libres" dans des laboratoires, inscriptions fictives dans d'autres universités (notamment avec la complicité bienveillante du recteur de l'UCL). Les cours, eux, s'organisent par petits groupes et prennent résolument le maquis. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, op.cit.)

Bien entendu, dès la fermeture de l'ULB, de nombreux étudiants décident de poursuivre leur cursus ou une partie de celui-ci à Liège, Louvain, Mons ou Gand, en raison des difficultés qu'entrainent les cours clandestins. Pour l'année 1941-1942, le recteur de Louvain estime que 600 étudiants de l'ULB se sont inscrits à l'UCL. Il reste néanmoins difficile de savoir s'il s'agit d'inscriptions réelles ou fictives. D'après les témoignages de nombreux anciens étudiants, l'accueil des Louvanistes fut excellent, malgré la vieille opposition philosophique entre les deux Universités. (A. Despy-Meyer, A. Dirkens, F. Scheelings éds, op.cit.)

Mais l'évolution de la guerre fait naître d'autres objectifs que la poursuite des études officielles ou clandestines : la résistance armée s'intensifie.

Membre du Groupe G

En 1942, le Groupe G - l'un des réseaux de Résistance les plus performants - est fondé par des Anciens de l'ULB. Son objectif est de ralentir et si possible d'arrêter, par le sabotage, l'apport économique et industriel que la Belgique est contrainte de fournir à l'Allemagne. Le Groupe, dirigé par Jean Burgers (ancien du Cercle du Libre Examen), comptera plus de 4000 membres.

Comme de nombreux anciens présidents ou membres actifs de Cercles, Jean Mardulyn rejoint le Groupe G. Il s'y rallie fin septembre 1943, lorsque le "G" entre dans son plein développement. Néerlandophone, il se voit confier le poste d'adjoint-national flamand au recrutement. "Très actif, il s'occupe brillamment de cette branche essentielle dans l'organisation du "G". Son action s'étend même au Brabant wallon. Son dévouement sans borne et son inlassable activité le placent parmi les hommes de premier plan. Le 24 février 1944, il tombe malheureusement aux mains de l'ennemi." (A.L.A. Beeken, Message pour Philomène, éd. du Métro, 1948)

A Buchenwald, où il est détenu, Jean Mardulyn fait partie du Comité de la Communauté belge en tant que représentant du Parti ouvrier belge. Comme d'autres groupes, ce Comité (qui compte des communistes, des socialistes et des libéraux) organise la résistance à l'intérieur du camp. Le Comité reste clandestin jusqu'à la libération du camp le 11 avril 1945. (Jacques Grippa, Chronique vécue d'une époque (1930-1947), éd. EPO, 1988)

En plus de la solidarité alimentaire, de la protection des plus faibles et du vol de centaines d'armes, une des activités de la Résistance au sein du camp de Buchenwald est d'échanger l'identité de détenus récemment décédés avec celle de camarades condamnés à mort. Jean Burgers, arrêté le 17 mars 1944 et transféré à Buchenwald le 6 mai, aurait pu être sauvé par cette méthode mais le temps manqua pour intervertir les identités : il fut pendu le 6 septembre 1944, à 27 ans. (Jacques Grippa, op.cit.)

Jean Mardulyn rentre de sa captivité à Buchenwald en avril 1945. Une séance solennelle est alors organisée pour l'honorer. Et, dès le mois suivant, dans son numéro du 15 mai 1945, Bruxelles Universitaire publie un hommage touchant à Jean Mardulyn.













Le Bruxelles Universitaire du 7 octobre 1948 livre, lui, un portrait à première vue corrosif. Sous l'humour se cache en réalité un respect profond pour le camarade et le travail qu'il a accompli pendant la Guerre. Le titre "Ceux dont on ne parle plus" qui coiffe son portrait indique clairement la volonté du B.U. de ne pas oublier ceux qui ont œuvré pour la Liberté commune. Pour souligner cette fausse ironie, l'auteur de l'article adresse d'ailleurs amicalement deux clins d'œil macchabées ("treize temps" et "beuh") à Jean Mardulyn, qui fut un Frère Macchabée.