vendredi 7 juin 2013

Le baptême à l'ULB dans les années 1950

Les lignes qui suivent ont été publiées en 1960 dans "L'Etudiant", un livret composé par un Poil de l'ULB surnommé Esbé (pour S. Brabant). On y découvre entre autres que, dans les années 1950, l'intégration des Bleus se déroulait en trois temps : l'antébaptême, le prébaptême et le baptême à proprement parler. Et que les Bleuettes (appelées alors Bleues) n'étaient, elles, concernées que par la première de ces étapes.

On remarquera aussi que les Bleus étaient baptisés un à un (et non en groupe comme aujourd'hui), selon un rite qui ressemble à celui d'un Tribunal actuel.

Nous avons complété ce texte par deux photos, reçues d'un antiquaire. La seconde - prise lors d'un Tribunal - est assez rare ; c'est en tout cas la seule de ce type que nous connaissions. Si l'on considère qu'il s'agit de deux plaques de verre et si l'on en juge par les vêtements des étudiants, ces clichés doivent dater des années 1950, époque décrite par l'auteur de "L'Etudiant".


L'antébaptême

« Les filles, bien entendu, ne sont pas baptisées, mais avant d'abandonner leur appellation de "sâle bleue" pour celle de "bleue", elles doivent endurer respectueusement pendant trois semaines environ (cela dépend des Cercles), de concert avec leurs congénères masculins, les brimades antébaptismales : faire des exercices de gymnastique, nettoyer au Sidol les grilles d'un parc, cirer les chaussures des poils et plumes, laver leurs voitures et leurs motos, venir déguisées aux cours, apprendre une chanson enfantine, etc., etc.

« Le bleu, lui, devra en plus, sur un sujet imposé, rédiger une dissertation à lire lors du prébaptême. Certaines idées sont restées célèbres :

* De l'élevage du homard tigré femelle à Tristan da Cunha.
* De l'influence de l'instinct sexuel sur la vente à tempérament.
* Qu'arrive-t-il à un bleu d'Auvergne qu'un bleu de Bruxelles passerait au bleu de méthylène ?
* De l'écart quadratique au point critique.
* De l'utilisation de la ficelle chez les Ourous du lac Titicaca.
* Des lettres de cachet au Brésil de 1267 à 1501, etc.

« Et les bleus doivent essayer d'être originaux ! » (Esbé, "L'Etudiant", Bruxelles, 1960)

Le prébaptême

« Le nouvel étudiant est un "infect bleu" jusqu'après son baptême. Il devient simplement un "bleu" dès qu'il a subi cette initiation importante, capitale même puisqu'elle influera sur tout le cours de sa vie universitaire. En effet, pour pouvoir porter la penne, pour pouvoir être élu à n'importe quel poste à l'A.G., au Libre Examen ou dans un Cercle, il faut avoir été baptisé.

« Pour le grand jour de son baptême, le sâle bleu devra se rendre en un point de la ville affublé de vêtements grotesques ou baroques. Les poils rassemblent les bleus, les promènent dans le centre, leur font faire des courses-relais, tapisser les trottoirs, déclarer leur flamme à de jolies passantes, envahir la gare centrale ou un grand magasin, marcher à quatre pattes, avancer en brouette, faire du hula-hoop, etc. Les badauds s'amusent, en général, beaucoup de ces facéties. Les agents de police, moins, car elles entravent la circulation des piétons et le trafic des véhicules.

« Après une ou deux heures de ces "divertissements" (pas pour les bleus), tout le monde se rend enfin au local du prébaptême.

« Au prébaptême, le Comité pose aux bleus quelques questions auxquelles ils répondent du mieux qu'ils peuvent. Ils sont ainsi cotés et leurs baptêmes seront plus ou moins sévères et difficiles selon les points obtenus.

[...] » (Esbé, "L'Etudiant", Bruxelles, 1960)

Les Bleus, lors d'une descente en ville.

Le baptême

« Le baptême qui, d'habitude, suit immédiatement le prébaptême, se déroule dans un local différent. Toutefois, la mise en scène reste identique et digne des interrogatoires du 3e degré : grande pièce sombre, hurlement de l'assistance déjà saoûle, le Comité de baptême en toges, trônant derrière un bureau surélevé et s'éclairant avec des bougies, les tables disposées en cercle formant une arène au centre de laquelle le bleu tout nu est livré aux maîtres sacrificateurs en blouse blanche et coiffés de cagoules (afin de ne pouvoir être reconnus, par la suite, de certains bleus vindicatifs).

« Le bleu est alors arrosé de bière glacée, peint de couleur à l'eau, collé de glu, couvert de peluches, tondu, malmené, effrayé... l'assemblée exhortant violemment les sacrificateurs à moins de mansuétude. » (Esbé, "L'Etudiant", Bruxelles, 1960)


Dessin extrait d' Esbé, "L'Etudiant", Bruxelles, 1960.
A la table drapée et éclairée de trois bougies, le Comité en toges.
 
Les bleus devant le Tribunal, éclairé de bougies.